975 – Les enfants de la rue de Musanze
Le Rwanda est aussi appelé le pays aux mille collines.
On retrouve sur son drapeau la couleur verte pour l’espoir de la prospérité, la couleur jaune pour le développement économique, le bleu pour le bonheur et la paix et le soleil qui symbolise la lumière qui éclaire progressivement tout le peuple.
Malgré leurs ambitions, les conditions de vie sont difficiles pour certains et plus particulièrement pour les enfants de la rue.
Depuis 2009, Joseph Lippolis associé avec Bellancile Twizerimana, développe, au nord du Rwanda et plus particulièrement à Musanze, Kinigi, Mitobo et sur l’île Cyuza, différents projets de développement dont l’objectif est d’améliorer les conditions socio-économiques de la population rwandaise, et plus particulièrement les personnes défavorisées.
En 2012, l’association Solidarjob est créée dans le but de mettre en place des formations, des microprojets et autres actions. Le projet qui fonctionne le mieux est une pizzeria à Musanze. Conséquence de ce succès, les enfants y viennent régulièrement mendier de la nourriture, d’autres viennent se réfugier auprès de mama Bellan lorsqu’ils sont poursuivis par la police locale…
De fil en aiguille, Joseph et Bellancile commencent à connaître ces enfants et se rendent compte de la misère dans laquelle ils vivent. Ils n’ont pas pu rester insensibles à cette misère, ni à la précarité de la vie et de l’avenir de ces enfants. Ils ont donc décidé de leur venir en aide. Un, deux, trois… ils sont à présent 18 à vivre dans de bonnes conditions grâce à leur générosité.
Les orphelinats sont interdits au Rwanda. Les enfants sont donc accueillis dans de petites structures « familiales » ou reçoivent une aide (ponctuelle ou récurrente) pour ne pas être une charge pour leur famille ou pour les soutenir dans la concrétisation d’un projet. Joseph et Bellancille ont aussi mis sur pied des projets (poulailler, potager, fabrication et vente de ciapatis) pour responsabiliser les enfants et leur permettre des apprentissages hors de l’école.
Les loger, les nourrir, les scolariser, les soigner coûtent 3 euros par jour par enfant. Les dons réalisés via Enfants du monde peuvent faire la différence. L’idée est un parrainage collectif et ce n’est pas seulement un lit, du pain et des livres que nous souhaitons donner à ces enfants mais aussi la confiance en soi et aux autres, le respect, le goût du travail bien fait et la volonté de réussir.
Les enfants qui traînent dans la rue sont rarement orphelins. Le plus souvent ils ont au moins un parent. Une mère dans la plupart des cas. Comment expliquer alors qu’ils finissent dans la rue ? Voici les raisons principales :
- La pauvreté des parents : les parents, et surtout quand le parent les élève seul, vivent dans un état d’extrême pauvreté. Ils n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, et de ce fait les enfants un peu plus courageux, des garçons en général, préfèrent tenter l’aventure de la rue que de souffrir la faim chez eux.
- Le parent qui s’en occupe est mentalement incapable de les prendre en charge : les cas de folie, par suite des conséquences du génocide, ne sont pas rares. Une mère qui n’a même pas une tôle (un toit) pour se protéger la nuit, délaisse ses enfants. Son instinct de survie fait qu’elle s’occupe d’abord d’elle-même autant qu’elle le peut.
- Le divorce des parents (qui est le cas le plus fréquent) : un homme qui quitte sa femme en la laissant dans la misère avec ses enfants est un cas assez courant. Et une femme abandonnée qui essaye de se refaire une vie avec un autre homme se trouve confrontée au problème que l’homme veut bien la prendre comme épouse, mais pas avec ses enfants. Il arrive alors que la femme délaisse ses enfants pour se refaire une vie de couple. Dans ce cas, la mère dit aux enfants : « Allez chez votre père ». Si l’enfant a la chance de retrouver son père, la phrase qu’il reçoit quand il arrive, est : « Retourne chez ta mère ». La rue reste dans ce cas la seule solution.
Les orphelins, il y en a aussi, comme Daniel, parrainé par Enfants du Monde. Quelqu’un l’a découvert presque moribond le long d’un ruisseau et a alerté les autorités. Celles-ci n’ayant pas de solution, se sont adressées à Belancille [l’associée rwandaise de Joseph], connue comme ange gardien pour ces cas désespérés. Il devait avoir 3 ou 4 ans quand nous l’avons pris en charge. Il était dans un état squelettique. Maintenant, il est bien portant. Il a toujours un grand sourire, mais il ne parle toujours pas. Il semble que ce soit la suite du traumatisme subi.
Que deviennent ces enfants ?
Ils vont en ville où ils ont plus de chance de recevoir une pièce de monnaie quand ils font l’aumône en montrant leur ventre creux. En général, ils vivent en bande, avec une grande solidarité à l’intérieur de la bande et une grande rivalité entre les bandes. Ils survivent souvent avec des petits vols. On les voit souvent avec en main une petite bouteille en plastique avec à l’intérieur une saloperie qu’ils respirent pour ne pas sentir la faim.
Quelles interventions sont possibles ?
D’un côté, nous intervenons ponctuellement pour ces enfants (payement de frais médicaux, distribution de nourriture…). Mais sachant que nous les aidons, les enfants se tournent de plus en plus vers nous ce qui nous met en difficulté vis-à-vis des autorités. D’un autre côté, ces dernières années, nous avions en charge de façon permanente 12 enfants. Nous leur procurions un logement, de la nourriture et veillions à leur scolarité. Parmi eux 7 ont atteint, au cours de l’année 2021, un certain degré d’autonomie. Ils avaient de 20 à 22 ans et avaient fini le cycle de 6 ans de l’école primaire (qu’ils avaient commencé très tard quand nous les avons pris en charge).
Nous leur avions demandé de nous présenter un projet qui leur permettait de s’émanciper, de prendre en main leur avenir. Nous avons financé ceux-ci. 6 des 7 jeunes sont à présent autonomes. Actuellement, nous avons toujours en charge 4 enfants dont 2 handicapés. Un 5e enfant a quitté la « maison » car il n’acceptait pas de suivre une scolarité régulière et préférait retourner dans la rue quand il en avait envie.
L’avenir ?
Nous sommes en train de nous orienter vers une prise en charge d’autres enfants de la rue mais en privilégiant une insertion dans une famille d’accueil. Nous pourrions aider cette famille en participant aux frais de scolarité et de nourriture des enfants. Ce système correspond aux mesures souhaitées par les autorités.